« Peu de chose nous divertit et détourne, car peu de chose nous tient », écrivait Michel de Montaigne. Que signifie au juste être diverti ? À quoi tiennent la force et la valeur du divertissement ? « Divertissement » est devenu, sur la scène de la pensée et de la littérature modernes, un concept essentiellement pascalien, renvoyant à une fuite hors de soi et à une Misère fondamentale de la condition humaine.
Or, entre Renaissance et Lumières, se développèrent des pensées positives, constructives, du divertissement, dont la riche fécondité est en grande partie méconnue ou sous-estimée. On a voulu user ici de l’œuvre de Saint-Évremond comme d’un prisme permettant de décomposer certains mouvements propres à ces nouvelles esthétiques de l’existence, qui impliquèrent de subtiles transformations du modèle de « diversion » hérité d’Épicure et de Lucrèce. Apparaît alors, chemin faisant, dans les marges de la philosophie du Jardin, tout un réseau d’affinités diffuses, en amont (du côté de Montaigne ou de Théophile de Viau) et en aval (du côté de Voltaire, de Hume ou de La Mettrie).
En un temps où la Société du Spectacle ne cesse d’étendre l’empire des divertissements standardisés, il n’est pas sans intérêt de retrouver la saveur de ces variations libres, qui ne furent pas pour rien dans l’invention de nouvelles manières d’être heureux.
Auteur :
Jean-Charles Darmon, professeur à l’Université de Versailles, directeur-adjoint de l’École normale supérieure de Paris, est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés aux relations entre littérature et philosophie. Il a également publié, dans le cadre des activités du Centre de Recherches sur les Relations entre Littérature, Philosophie et Morale qu’il anime à l’ENS : Le moraliste, la politique et l’histoire. De La Rochefoucauld à Derrida (Desjonquères) et tout récemment (en collaboration avec Philippe Desan), Pensée morale et genres littéraires : de Montaigne à Genet (PUF).
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.