Œuvre de jeunesse que Fontenelle remania jusqu’à la fin de sa vie, Les Lettres galantes de Monsieur le Chevalier d’Her*** ont le charme des œuvres inclassables. Recueil de lettres, « pot-pourri » où l’on peut humer l’esprit de Pétrone, transposition épistolaire et néanmoins romancée de saynètes qui rappellent la comédie moyenne, galerie de portraits ébauchés où l’on distingue, derrière les rideaux d’un théâtre imaginaire, l’ombre des Modernes de l’Antiquité, ces lettres, plus qu’un anti-roman dans lequel Fontenelle se ferait, avant Diderot, parodiste du romanesque, semblent un « nouveau roman » dans lequel il appartient au lecteur de tracer son chemin pour suivre dans leurs détours les aventures d’un Chevalier aussi plein d’esprit que d’imagination. Sous les allures d’une galanterie qui se mue en libertinage mutin, c’est un style que Fontenelle invente, une écriture singulière qui transpose une parole en liberté, dont on retrouvera certains tours et bien des accents dans la prose du jeune Marivaux. Œuvre importante dans l’histoire du roman, ces Lettres galantes montrent de manière éclatante qu’au tournant des Lumières l’esprit de gaieté n’interdit pas la profondeur, et qu’un Moderne comme Fontenelle ne jugea jamais que la raison dût nécessairement divorcer de la jubilation.
Auteur :
Fontenelle (Rouen 1657-Paris 1757), neveu du grand Corneille, cet homme de lettres, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, se rendit célèbre par ses Entretiens sur la pluralité des mondes, ses Nouveaux Dialogues des morts et son Histoire des oracles. Il mourut centenaire après avoir exercé, avant Voltaire, une sorte de royauté intellectuelle.
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